Recherche par publications





Recherche multi-critères










Recherche par localisation géographique

La%20date%20exacte%20de%20la%20bataille%20de%20Chef-Boutonne%20en%201061

Jacques Duguet

On sait que le comte d’Anjou Geoffroy Martel, fondateur de l’abbaye Sainte-Marie, à Saintes, en 1047, est décédé le 14 novembre 1060, en l’abbaye Saint-Nicolas d’Angers , après avoir désigné comme héritiers ses neveux, Geoffroy le Barbu et Fouques le Réchin. Il avait prévu que ses possessions de Saintonge reviendraient au cadet, Fouques, sous l’autorité de son frère. Or, dès l’année suivante, Geoffroy et Fouques sont en conflit avec le comte de Poitiers Guy-Geoffroy, leur suzerain, au sujet des châteaux du diocèse de Saintes, pour une raison inconnue.

En cette année 1061, ils livrent bataille au comte de Poitiers. Le fait ne semble pas avoir eu un grand retentissement dans les églises d’Anjou, les chroniques de ces églises n’en soufflant mot. Quant aux chroniqueurs angevins laïques, qui se copient plus ou moins, ils donnent quelques détails mais sans valeur car ils confondent avec la bataille du 20 septembre 1033, au cours de laquelle Geoffroy Martel a fait prisonnier le comte de Poitiers Guillaume le Gros . Ainsi, seule la chronique poitevine de Saint-Maixent témoigne-t-elle valablement, semble-t-il, en ces termes :
« L’an 1061, Geoffroy et Fouques, qui étaient en conflit avec le duc Geoffroy au sujet de Saintes, vinrent avec une grande armée, combattirent avec lui en une guerre en Aquitaine où avait été réunie une armée de Poitevins. Des deux côtés, on combattit avec une grande ardeur, mais, en jetant leurs bannières, les porte-enseigne provoquèrent la fuite de l’armée des Poitevins. C’est pourquoi beaucoup furent blessés, de très nombreux tués et quelques-uns prisonniers. On a ainsi décrit cette confusion, en vers : « L’an 1061, un mardi, jour de saint Benoît, eut lieu une guerre entre Poitevins et Angevins, aux environs de Chef-Boutonne » .

Cette relation ne brille pas par la précision. Elle a toutefois le mérite d’indiquer une date, mais dont l’interprétation a embarrassé les exégètes. En effet, il a existé deux fêtes principales de saint Benoît : la saint Benoît « d’hiver », célébrée le 21 mars, et la saint Benoît « d’été », fixée au 11 juillet. Or, en 1061, les deux fêtes tombent un mercredi et non un mardi. Alfred Richard, l’historien des comtes de Poitou, a opté pour le 21 mars, la principale fête du saint en Occident, en supposant une erreur sur le jour de la semaine .
Il a oublié qu’il a existé un saint Benoît poitevin fêté le 23 octobre. Dans son Pouillé du diocèse de Poitiers, Beauchet-Filleau présente ce saint comme « évêque de Samarie, en Palestine, qui résigna cette dignité, vint à Poitiers avec plusieurs compagnons qui l’avaient suivi et se retira avec eux dans une solitude, près de la ville ». Ce serait l’origine du monastère de Saint-Benoît de Quinçay, aujourd’hui Saint-Benoît . Quelle que soit la valeur de cette « tradition », la date du 23 octobre convient parfaitement, car le 23 octobre 1061 tombe précisément un mardi. C’est donc cette date que nous adopterons.

Ainsi, ce n’est pas quatre mois mais onze mois après le décès de Geoffroy Martel que se situe la bataille. On sait d’autre part que Guy-Geoffroy ne resta pas longtemps sur sa défaite. Dès 1062, il mit le siège devant Saintes dont il s’empara de vive force, à la suite de quoi il domina directement dans le diocèse de Saintes.

(Roccafortis n° 32, septembre 2003, p. 244)

Thème : guerres